Par Didier Kling, Président de la Chambre Nationale des Conseils Experts Financiers
L’examen du Projet de Loi de Finances pour 2025 doit absolument permettre très vite aux Français, aux entreprises et aux professionnels libéraux du conseil financier de réengager des projets immobiliers, des investissements, et de redynamiser une activité professionnelle en panne depuis plusieurs mois. L’instabilité législative et fiscale qui les prive de visibilité et bloque la prise de décisions doit prendre fin. Il en va de la vitalité de notre économie.
« La France est un pays extrêmement fertile. On y plante des fonctionnaires, il y pousse des impôts. », disait Georges Clemenceau au siècle dernier. Or, rien n’a changé dans le pays champion du monde des prélèvements obligatoires : la fiscalité préside toujours à toutes les destinées.
Des projets en berne pour l’immobilier et le logement
En dépit d’une embellie tardive sur les taux et les prix de l’immobilier et d’une implication des banques pour en faciliter l’accès, la production de crédits a bel et bien reculé en 2024. Les Français font toujours les frais, quand ils souhaitent acheter un bien, de la décision de la Banque de France de brider le marché.
Mais surtout, les revirements successifs sur les dispositifs de soutien (Prêt à Taux Zéro), de rénovation (MaPrimeRénov), de fiscalité des plus-values du meublé et les contraintes énergétiques (DPE), ont fini de dissuader ceux qui avaient encore la possibilité et l’envie de s’engager dans un parcours résidentiel. L’incertitude politique pèse sur la reprise.
La situation n’est guère plus réjouissante du côté de la location, avec un marché atone (offre en recul de 8,6 % entre octobre 2023 et octobre 2024 [1]). Là encore, la chute de l’investissement locatif dans le neuf doit beaucoup à la fin annoncée du dispositif Pinel au 31 décembre 2024, et avec lui, d’un accompagnement fiscal pour soutenir la chaîne de production de logement dans un contexte de pénurie avérée.
Les sujets du logement et de l’immobilier sont pourtant vitaux, tant pour les Français que pour les acteurs de ces marchés. Mais la crise perdurera tant que nos instances politiques continueront à les appréhender uniquement comme une dépense qui peut servir de variable d’ajustement dans le budget de l’État.
Des entreprises qui naviguent à vue
Les conséquences de l’endettement de l’État se font sentir, impactant le financement des entreprises et accentuant les difficultés de certaines d’entre elles, comme le confirment les chiffres récents des tribunaux de commerce. En hausse de 20 % sur un an, le niveau global de défaillances d’entreprises est au plus haut au 3ème trimestre 2024 [2].
Les cieux ne sont pas plus cléments du côté de la transmission intrafamiliale, la menace sur le pacte Dutreil qui permet d’alléger jusqu’à 75% les droits de succession sur les entreprises familiales n’est pas écartée.
Entre 800 millions et 2 et 3 milliards d’euros chaque année (selon qui l’évalue), la perte de recettes de cet outil « trop puissant » d’optimisation fiscale est dans le viseur d’un gouvernement en recherche d’économies.
L’efficacité de l’outil Dutreil doit-elle être sacrifiée sur l’autel d’un impératif budgétaire immédiat ? Nous ne le pensons pas.
La moitié des ETI familiales vont se transmettre dans les sept ans qui viennent, selon les estimations du Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire.
Il s’agit dès lors d’un enjeu de souveraineté économique, de préservation d’entreprises nationales et d’emplois non délocalisables.
Des professionnels du conseil financier à la peine
Ce contexte introduit une complexité supplémentaire pour notre environnement professionnel, par ailleurs touché par les menaces sur la fiscalité de l’épargne (assurance-vie, Plan Epargne Retraite, hausse de la flat tax sur le capital) et l’empilement des normes imposées par la réglementation européenne.
Pour ne citer qu’elle, la réglementation DORA (Digital Operational Resilience Act), qui vise à renforcer la cybersécurité et la gestion des risques informatiques des entités financières, ne concerne pas les micro, petites ou moyennes entreprises qui constituent la majorité de nos adhérents.
Nous espérons que les compagnies d’assurance chargées de les auditer feront bien la distinction…
Nos entreprises de conseil, de courtage et d’intermédiation sont déjà suffisamment touchées. Mais alors que les activités financières et d’assurance ont enregistré une hausse de défaillances de 35% en un an, la Retail Investissement Strategy (RIS) veut interdire aux distributeurs de produits d’épargne d’être rémunérés par des commissions et leur impose de facturer uniquement des honoraires.
Aucune organisation ne peut durablement fonctionner en état d’hypervigilance législative et fiscale. Et a fortiori, aucun épargnant.
Notre groupe de 5 associations professionnelles, qui rassemble 13 000 acteurs libéraux du patrimoine, de l’assurance, du crédit, de l’immobilier de placement et du développement de l’entreprise, s’attache depuis 1957 à accompagner l’activité économique et patrimoniale des entreprises et des Français.
Forts de cette mission, nous accorderons une attention particulière aux mesures qui seront votées dans le cadre du Projet de Loi de Finances pour 2025.
Et puisqu’il est encore l’heure des voeux, nous appelons les élus à redonner urgemment la stabilité réglementaire et fiscale nécessaire à un pilotage serein de l’activité entrepreneuriale et des investissements des Français.
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[1] Bilan du marché locatif 2024 – Meilleurs Agents
[2] Étude de défaillances et sauvegardes des entreprises 3e trimestre 2024-Altares
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