Par Côme ROBET, Président CNCEF CREDIT
Notre ministre de la Justice souhaite que « tout le monde en France, dans sa vie, puisse être propriétaire.». Louable intention. Mais deux ans après une sévère crise du logement et en dépit d’exhortations à l’optimisme, nous en sommes encore loin. L’accès à la propriété, pour une part grandissante de Français, est toujours menacé.
Ne pas laisser la récente dynamique s’enrayer
Valérie Létard, ministre chargée du Logement, a pris la mesure de l’urgence. Qu’elle en soit remerciée.
Donner accès au Prêt à Taux Zéro sur tout le territoire pour financer jusqu’à 50% de l’achat d’un appartement et 30% de l’achat d’une maison neufs[1] est d’évidence une avancée positive. Elle ne suffit toutefois pas à « accompagner chaque Français dans son projet de propriété » comme elle le souhaite pourtant.
Car le constat est imparable : le pouvoir d’achat immobilier n’a jamais retrouvé son niveau d’avant 2022. Les Français, quand ils le peuvent, empruntent des sommes moins importantes et achètent en conséquence des surfaces plus petites. Ils sont incités à longueur d’articles à profiter de conditions d’emprunt qui s’améliorent car l’appétit des banques est au rendez-vous. Mais l’embellie pourrait être de courte durée.
La baisse des taux marque le pas et la durée moyenne des crédits s’allonge. Elle a atteint en février 2025 le niveau le plus élevé jamais observé (68.2% des prêts sont octroyés sur une durée de plus de 20 ans, contre 65.7% en 2024)[2].
De son côté, notre gouvernement n’a pas manqué de créativité pour annoncer une hausse à la main des départements des droits de mutation (frais de notaire).
Faire sauter les derniers verrous
Nous n’avons plus le choix que de faire sauter les derniers verrous avec des mesures simples et lisibles par tous, comme fiabiliser le Diagnostic de Performance Energétique (en cours, et c’est une bonne chose) et débloquer plus rapidement les aides de MaPrimeRénov.
De son côté, le Haut Conseil de Stabilité Financière doit-il faire l’objet d’une Alerte enlèvement ? Cette autorité, si volubile et si prompte pendant deux ans à freiner le financement, semble avoir disparu. Son dernier et laconique communiqué du 4 mars se borne à enregistrer une « phase de stabilisation ».
Elle est pourtant responsable d’avoir laissé la situation empirer sous couvert de risque de surendettement. Ses recommandations devenues contraignantes pour les banques ont mis à mal le crédit immobilier et les projets des Français.
Sa réforme, un temps envisagée, est au point mort mais reste une nécessité. Le HCSF doit revenir de la contrainte à la recommandation, et impérativement reprendre en compte la notion de reste à vivre. Retrouvons le chemin du bon sens : on ne prête pas aujourd’hui à un ménage qui est endetté à 40% mais dispose de 5000 euros de reste à vivre une fois toutes ses dépenses contraintes payées !
Redémarrer le moteur de l’investissement locatif
Le bon sens, encore, doit revenir pour que reviennent les investisseurs privés, touchés par la fin du dispositif Pinel et avec lui, de quarante ans de politiques publiques volontaristes et d’incitations fiscales.
Il en va bien sûr de la lutte contre le manque structurel de logements, mais aussi de notre modèle social. Peut-on encore espérer se constituer un patrimoine et le transmettre tout en contribuant à loger ses compatriotes ?
Car « Loger près d’un quart des ménages français n’est pas qu’une activité économique : c’est un engagement social. », comme le définit le député et ancien président du Conseil national de l’habitat Lionel Causse en préface du Pacte Locatif Citoyen proposé par le think-tank Institut Janus[3].
C’est la raison pour laquelle le taux d’endettement différentiel pour les prêts aux investisseurs privés doit être rétabli sans attendre pour que la relance de ces investissements indispensables s’amorce.
Espérons enfin que la proposition de loi de création du statut de propriétaire bailleur déposée le 1er avril[4] aboutisse. Et que ses mesures d’incitation fiscale à l’investissement immobilier dans le neuf à usage d’habitation principale soient votées. La rétroactivité prévue à partir de 2025 pourrait redonner confiance à ces bailleurs dont nous avons collectivement grand besoin.
Une chose est sûre : nous ne pouvons pas nous permettre une nouvelle crise du logement et de l’immobilier. Quoi qu’il en coûte ? Pas si sûr si l’on regarde ce qu’un marché dynamique rapporte en droits de mutation, recettes de TVA, emplois, mais surtout en confiance des Français.
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[1] Décret 2025-299 du 29 mars 2025 relatif aux prêts ne portant pas intérêt consentis pour financer la primo-accession à la propriété
[2] Tableau de bord Observatoire Crédit Logement/CSA février 2025
[3] Pacte Locatif Citoyen Institut Janus
[4] Proposition de loi N° 1225 visant à créer le statut de propriétaire bailleur
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